Waban Yahto ∩ avant-gardiste.

→ HISTOIRE :
J’aurais vraiment aimé commencer mon histoire par un de ces débuts idylliques, avec un père, une mère, quelques tantes au sourire sincère, réunis pour fêter une naissance attendue. J’aurais voulu être accueilli par le traditionnel « C’est un garçon » avant d’être ramenée dans une belle demeure ou j’aurais eu une enfance digne d’un petit prince.
Oui, c’aurait été formidable, mais en attendant, ma génitrice a accouché chez mes parents, dans un lieu qui s’apparente plus à une ruine qu’à autre chose, en souffrant énormément, malheureuse comme les pierres. Pourquoi ne se réjouissait-elle pas de porter en elle la vie me demanderez-vous ? Tout simplement parce que je n’allais pas être son enfant. Elle avait sacrifié neuf mois de sa vie pour que son meilleur ami et son frère, homosexuels tout deux, puissent avoir une famille. C’était très beau et à la fois désolant, de sacrifier ainsi son bonheur. Ma mère n’eut pas son mot à dire pour ce qui est de mes prénoms. Je serais Waban Yahto, ce qui signifie respectivement « vent d’est » et « bleu » … Enfin, leur sens importe peu puisque aujourd’hui personne n’est capable de les comprendre.
On m’a bien vite arraché à ma "mère" pour me placer dans une maison en bois, à côté de la forêt, à Greenville. C’était un endroit particulier, qui sentait en permanence la poussière et l’humidité. Je passais de toute façon la plupart du temps en compagnie d’Adriel, mon … premier père dirons-nous, à l’extérieur. Il était à mes yeux le meilleur des hommes, le plus interressant. Quand, le soir, Adriel me racontait des histoires dans le but de m'endormir, il me faisait rêver en me parlant d'un monde incroyable, ou personne n'avait l'occasion de pleurer, ou l'on partageait et ou les inégalités finissaient par disparaitre. J'ai appris plus tard qu'Adriel, comme Yuma, mon autre père, croyait juste au communisme, en secret. A l'époque, ils le cachaient. Nos voisins, des puritains de la pire espèce, supportaient déjà mal le fait d'avoir dans leur ville un couple d'homosexuel aux probables origines amérindiennes, alors des communistes! Inutile de vous dire que l'on ne m'a jamais regardé d'un oeil bienveillant. Les autres enfants, ceux qui avaient eu droit au début idyllique décrit plus haut, m'avaient choisi pour jouer le rôle de bouc-émissaire. Je me souviens encore de leurs remarques.

« Waban, Waban ! » ils prononcaient ça en articulant exagerement, mon prénom étant déjà pour eux une anomalie notoire. J'accelerais, pressé et anxieux, en direction de la forêt. Les garçons qui m'avaient helés semblaient infiniment vieux et haineux. Eux iraient plus loin que les simples insultes, parce que leurs parents leur avaient enseigné combien moi et mes parents étions détestables.